vendredi, octobre 05, 2007

das Leben der Anderen



Le Seb m’avait pourtant prévenu. Ou plutôt non. Mais ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Lui qu’a vu trois millions deux cent soixante-quinze mille films un quart, qui me demande depuis dimanche « si je l‘ai regardé ». Et c’est qu’il est taiseux, d’habitude, le Seb, surtout à ce sujet-là. Il ne va pas t’étaler sa science, et encore moins ses émotions, comme ça, à tout bout de champ. Mais c’est le premier à décrocher à deux heures du mat’ pour te donner le nom du troisième assistant lumière d’un film lituanien que même les Inrocks ils l’ont pas vu ou celui de la bombasse de figurante dans le nanar indonésien que même Mad Movies ils ont pas fait gaffe.

La preuve, la dernière fois que j’ai vu le Seb s’emballer spontanément pour un film, c’était le surlendemain de la fois où on était allé voir « Million dollar baby » et il avait claqué comme ça, l’air de rien, en terrasse, au milieu des cafés ou des bières : « putain, le Eastwood, quand même, il déchire… ». Je l’avais vanné sur la larme que j’avais vu couler deux jours plus tôt de son oeil, alors qu’un dealer de Kleenex aurait fait fortune à la sortie de la séance de ce film qui ferait pleurer un mur. Ce con-là avait dû balancer qu’il faisait chaud et qu’une poussière dans l’œil tralala… Voilà plus de trois ans. Et il s’est tapé un million cent vingt-trois films et demi entre temps.

Donc, ça aurait dû me mettre le mammouth au tympan qu’il me demande depuis une semaine si je l’avais vu, planqué au beau milieu de la pile de DVD sur Quatorze qu’il m’a envoyée. Mouais, un film allemand… Titre à la con, « la Vie des autres », réalisateur au nom imprononçable, Florian Henckel von Donnersmarck, merde, je me suis tapé hier « la Grande illusion » avec Fresnay et Von Stroheim, Fresnay surtout, qui déchire tout ce qu’il y a à déchirer, et même le Gabin à côté on dirait un enfant de chœur tellement le Fresnay il déchire, et faut que je me tape un film allemand avec un titre bidon… Mouais, c’est vraiment pour faire plaisir au Seb.

Premières minutes. La claque. La torture blanche. Tiens d’ailleurs, faudrait un jour que je rende ce bouquin aux copains de l’OCL à Reims… Le salaud. Dès le départ, tu vois une tête de salaud, le mec, l’acteur, le gars que tu sais que tu vas aimer haïr. Parce que comme petit salopard machinal et bestial, on fait pas mieux. Officier de la Stasi aussi zélé qu’un subordonné de Papon en 1944 (ou en 1961, ça marche aussi). L’acteur qui ne joue pas, qui ne dit rien, et que t’attends pourtant comme l’autre enflure de Porphyre Petrovitch dans « Crime et Châtiment ». Wiesler, joué par Ulrich Mühe. Fils de pute. Une sorte de Materazzi cinématographique.

Sauf que, sans trop savoir pourquoi, après une heure de film, après un mouvement de main du gars, après un énième silence, y a de l’humain qui s’engouffre et ça en devient insupportable, insoutenable, invivable.

Trop de pression.

Je mets sur pause, rapproche la bouteille de rouge, vais pisser, roule une clope. Envie de savoir la fin et pas envie de savoir. Un peu comme quand t’es aux deux tiers d’un roman de Dumas et que tu regrettes déjà qu’il n’y ait plus que 200 pages à lire, vouloir tirer au maximum le plaisir de l’intrigue alors que tu sais que le dénouement dont tu ignores tout te foutra sur le cul.

Pause. Reprendre pied. J’arrive pas à avoir le Seb au téléphone. Ca me bouffe trop ce film, faut que j’en parle. Coup de fil au Dadu, du coup, qui y a pas longtemps a changé son avatar sur le forum où on traîne et que son avatar c’est la gueule à Wiesler avec ses écouteurs. Même qu’au début, j’ai cru que c’était l’autre con de Moby. Je m’excite au téléphone, il se marre, repensant sans doute aux sentiments qu’il éprouvait à ce moment-là, en plein milieu du film, la converse part sur autre chose, Quatorze, forcément, la bière belge, les Yougos et puis Quatorze, forcément. Je lui demande sans lui demander avant de raccrocher si la fin sera aussi énormissime que la première heure et si Wiesler…

Je ne dirai rien de la dernière heure et encore moins de la fin. Une vraie fin, comme dirait le Dadu. Parce que y a des films que tu aimes et dont la fin est un peu pourrie, mais comme t’as aimé le film, tu te dis que la fin c’est pas si important que ça. Mais si, en fait. Alors que là, putain, cette fin…

Je repense au Seb et au Dadu, à notre virée à Craonne avec du saucisson, du gris de Toul et du rock’n’roll à fond dans la bagnole. Et c’était diablement chouette. Même si y a pas trop de rapport avec « la Vie des autres », putain de film. Une chronique qui ne parle pas beaucoup de ciné, en fait, mais peut-être que c’est là l’essentiel, des films qui te balancent comme ça des gros morceaux de vie à la tronche. Ca parle de bouquins, de pinard, de copains, de l’amour, de larmes, de la vie, bordel de merde. De la vie des autres. Et puis de la mienne.



(OST : Acda en de Munnik - in de stad Amsterdam)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Hello grand fou.Encore un agréable moment à te lire et re-lire et...On va pas te la faire deux fois j'pense...Sinon tu t'es trompé sur une chose, t'as mis deux films en trop ds ce que j'ai vu...Bon,bref, il t'a plu et c'est le principal...A le revoyure et have a nice day.

ubifaciunt a dit…

hu hu, Seb et Algernon ne feraient qu'un ??? cela dit, pour sûr que ça m'a plu, oui, si t'en as d'autres comme ça, t'as mon adresse ;-)

(et tu vas pleurer quend je vais te montrer -enfin- le Sacrifice, Tarkovski powaaaaaa !)

hé hé, moi qui te fais découvrir un film, l'hallu...