samedi, décembre 15, 2007

Comment pourrir un repas de famille...

Y a quelques années de ça, une de mes chouettes tantes avait eu l'idée de faire une chouette bouffe familiale dans sa chouette baraque bretonne. Et si je surkiffe les repas de famille (bikoz ça bouffe ça boit et ça s'engueule), j'aime pas trop par contre les contraintes du genre "Tout le monde doit faire un-e dessin/texte/chanson/autre sur un thème imposé". D'abord parce que je fais ce que je veux de ma liberté individuelle, ensuite passkeuh je trouve ça over-ringard. Et là, le thème c'était "les phrases cultes de ma grand-mère". Pfffff. Même si les répliques de ma grand-mère étaient souvent hautes en génie.

Du coup, histoire de faire ma provoc de merde (hu hu) dans ma famille de droite, de militaires, de commerçants, de cathos par tradition parce que la France-fille-aînée-de-l'Église, de fils de péquenots qui sont plus de droite par atavisme que par réelle conviction, bref, de gens pas trop riches mais dignes et qui croient au fruit de leur labeur, au mérite et à la conservation des quelques privilèges qu'ils ont acquis à la réelle sueur de leur travail, du coup, disais-je, je me suis fait plaisir, 30 personnes au repas, l'attente du fromage et des gens un peu bourrés pour me lever et dire, un peu tremblant malgré tout "Moi aussi, j'ai fait un truc..."

Je lis le texte. Silence plombé d'une bonne minute, une de mes tantes tousse violemment, ça murmure avant que la conversation ne reparte, gênée, foireuse. L'effet mastoc. Bonheur.

Voici donc le texte dont on me reparle encore aujourd'hui lors de certains repas de famille.

Et vivement Noël.




LA DERNIÈRE CHIÈE DU DIABLE.


"C'est la dernière chose que le Diable a chiée avant de crever."

Elle me rassurait qu'à moitié, la sentence familiale entendue depuis des lustres. Faut dire, moi, j'ai jamais voulu trop y croire à ces conneries, à Dieu, au Diable, à tout ça, à ces amulettes vaudoues, moyens de rassurer le bas-peuple et les esprits faibles. N'empêche, la phrase me plaisait bien ; en plus, elle avait le mérite de montrer que le grand Satan était bel et bien raide, enterré je ne sais où avec sa fourche, ses cornes, sa barbichette et ses diablotins. Mort le Malin, le Démon, l'infâme Tentateur, le fourbe Trismégiste et, depuis que l'aut' dingue de philosophe allemand avait aussi décrété que "Dieu est mort", on pouvait enfin avoir un peu de répit ne plus redouter le jugement des hommes, de Saint Pierre ou des curés, ni même subir le dernier Jugement, le final en apothéose avec le poids des âmes et la prétendue balance.

Ca m'intriguait qaund même, cette foutue dernière chose qu'Il aurait pu chier. Quoi donc qu'ça pouvait être ? Bien sûr, je l'avais entendu à propos de la voisine de palier, la grosse conne avec ses cheveux violets, à propos de l'abruti d'épicier qui faisait même pas crédit d'un sourire, du flic du coin, et même de l'abbé fraîchement débarqué, celui qui se défroquait dès que passait le moindre enfant de choeur. Pourtant, injurier la religion -et a fortiori ses éminants représentants- c'était pas trop dans les habitudes de la smala ; pour preuve, moi, c'est à peine si j'osais de temps en temps cracher au Ciel, défier Dieu et le Diable, sans savoir que ces deux gugusses-là avaient passé l'arme à gauche. Insulter des morts, tu parles d'un défi à ma taille, comme ça, au moins, j'étais tranquille, ni diffamation, ni représailles.

Bon, allez, ils sont morts, crevés, alors voilà, n'en parlons plus et l'affaire est réglée. Ni dieu, ni maître, ni diable. Le gros Barbu a chié un fils à Son image et des guerres en Son nom, des églises un peu partout et parfois de bien belles cathédrales ; l'autre Rôtisseur a chié je ne sais quoi, des maudits qui Lui vendent leurs âmes en échange d'un espoir de gloire, de fric, ou de quelques notes de blues, et puis moi, sans doute, paumé au milieu de ce grand nulle part, sans adversaire à combattre. Alors oui, peut-être au fond que c'est moi la dernière chose que le Diable a chiée avant de crever. Et tant pis si je suis maudit jusqu'à la fin de mes jours, et merde si je dois en chier ad aeternam, mais moi, je ne chierai rien d'autre que des étrons malodorants disparaissant fissa dans les canalisations, et quand on me foutra au trou, la dernière chose qu'Il a chiée avant de crever aura l'honneur de ne laisser aucune descendance, comme ça, au moins, le proverbe et la malédiction s'éteindront avaec moi.




(OST : Army of lovers - Crucified)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

ah ben forcément ... ça a du faire chplof.

ubifaciunt a dit…

un super beau chplof de concours, même :-)