vendredi, février 29, 2008

au sens propre !



21 heures, l'heure où le tiékar est le plus beau, lumières allumées sur vingt étages, odeurs de bouffe tombant des fenêtres se mêlant aux parfum du shit qui monte des halls d'immeuble. Groupes de jeunes qui commencent à prendre racine au pied des tours pour encore une nuit.

On était attendus, ce soir. Rencard plus ou moins informel filé à ma collègue par des gaillards de 20 à 25 berges parce qu'ils avaient pas eu le temps de finir la discussion de l'aprème. Elle avait dit qu'elle repasserait avec moi, ils y croyaient pas trop.

Une quinzaine de gars qu'on connait pas trop, sinon de vue. Première soirée que nous allons, pour la plupart, passer ensemble ; ça se jauge forcément, vannes serrées et débats pointus, ça parle de hip-hop et "d'énergie binaire et primale du rock'n'roll", ça nous propose des pét' et un gang bang, routine presque habituelle. La joie de la parole qui circule, des mots sans jugements, du test des limites de l'autre.

C'est sérieux, aussi, ça parle de K., putain, je savais pas que c'était leur pote, son contrôle judiciaire et son rencard qu'on a demain pour qu'il soit bénévole dans une assoce.

Une demi heure qu'on est là, une demi heure qu'on est passibles de 6 mois de prison ferme et de 7500 neurones d'amende pour "occupation abusive (ie : à plus de trois personnes) d'espaces communs d'immeuble". Et se ramène O., hilare.

"Wesh putain les gars, vazy la famille, wesh les gars z'allez jamais me croire..."

Et qu'il commence à raconter l'histoire de drague sur MSN mille fois rebattue, une meuf trop canon, adresse chopée ch'sais plus où, une vraie bombe trop chaudasse qu'elle veut baiser avec moi direct. Les oreilles commencent à s'écarter, ne pas lui faire l'injure de lui dire que c'est un gros mytho, écouter sans être dupe, pour le plaisir de l'amitié et de la discussion, une nuit de plus à tuer en cité.

Sauf qu'arrive le détail qui tue.

"Et là, putain, la meuf elle me claque qu'elle est flic..."

Dix bonnes secondes de grand silence. Et ça fuse dans tous les sens. "Putain mais vazy, défonce-la, putain, défonce-la !!! Putain, tu peux niquer la police, pour de vrai man, la baiser, l'arracher, wouuuuuhouuuuu, à sec, tu peux niquer la police...". "Vazy, arrête, y a pas moy', tu te rends compte comment tu serais le pire des collabos... Tu vas dire quoi ? 'Oui euh, je suis entrepreneur à la Défense, je gagne 10 barres par mois et euh j'apprécierais que tu me suces' Non mais franchement putain pas une keuf bordel...".

Au bout de cinq minutes, les gars se rendent compte qu'on est toujours là et qu'on se marre comme des baleines.

"- Ah oui, au fait, Ubi, t'en penses quoi ? Tu le ferais toi ?
- Oh, tu sais, moi, les keufs, si y a un truc que je touche pas, c'est bien à ça...
- Ouais mais bon, une fois, rien qu'une fois, niquer la police, au sens propre...
- Non non, pas moyen, j'ai un honneur, moi monsieur...
- Et une jolie pompier en uniforme ?
- Mon cher T., je te rappelle que les pompiers de Paris sont des mlilitaires..."

Un temps de silence, T. me regarde au fond des yeux, prend la pose et un air condescendant :

"Monsieur Faciunt, vous avez toujours eu un problème avec l'autorité..."











Sabac Red - Fight until the end

jeudi, février 28, 2008

la nostalgie camarade...



"Ah ! Comme ils vont regretter tout le monde ! Mitterrand ! Et De Gaulle ! Et même Georges Marchais ! Et même Chirac, le Brejnev du gaullisme, celui qui savait que ne rien faire est ce qui permet de mourir lentement. Du reste, Chirac, ils avaient voté pour lui, contre Le Pen. Le Pen ? Un du monde d'avant, lui aussi. Avec Casse-toi-pauv'-con et sa bande, on finira par le regretter, le vieux borgne, vous verrez. Quand il criait "hou !", Le Pen, on avait peur une minute, on manifestait dans la joie, et tour était joué. Nostalgie ! Le Casse-toi-pauv'-con, lui, il est Président, il verrouille."

Alain BADIOU
De quoi Casse-toi-pauv'-con est-il le nom ?






Dominique Grange - les Nouveaux partisans

(Non, je ne vire pas mao, c'est juste en complément du Badiou... aaah la gauche prolétarienne, humpffff...)

mardi, février 26, 2008

correspon-danses



Somewhere in Montréal, quelques meubles attendent leurs nouveaux preneurs.

Somewhere in Montreuil, un lit attend sa nouvelle occupante.
















"Every night she comes
To take me out to dreamland
When I'm with her
I'm the richest man in the town

She's a rose
She's the pearl
She's the spin on my world
All the stars make their wishes on her eyes

She's my Coney Island Baby
She's my Coney Island Girl

She's a princess in a red dress
She's the moon in the mist to me

She's my Coney Island Baby
She's my Coney Island Girl"

Tom WAITS

lundi, février 25, 2008

Babij Jar

(à Julien et Hélène)



Je tiens cette histoire de mon grand-père, bien que je ne l’aie jamais rencontré. La légende familiale fait de lui un héros, une sorte de patriarche et, comme dans toutes les légendes, il y a sans doute là une part de vérité. La légende m’accompagne donc et il me semble sentir son souffle chargé de tabac brun, sa voix forte et rocailleuse, j’entends ses yeux doux me raconter cette merveilleuse histoire de tristesse et d’effroi, cette histoire apprise voici quelques années dans un bar ou une bibliothèque, seuls lieux publics que je fréquente avec plaisir. C’est là mon seul héritage, qu’importe au fond la manière dont j’ai embelli l’aïeul et les événements qui vont suivre, je sais ma vérité, elle tient dans ces quelques lignes.

Ukraine, 1942, le pays est à feu et à sang, ravagé par les purges staliniennes, la guerre, la famine, et les grandes manœuvres allemandes (on dirait du Alain Decaux tellement c’est mal écrit…). Après une farouche résistance, Kiev est occupée. C’est pas comme Paris en 40, Kiev a au moins essayer de résister avec ses hommes, ses femmes et ses enfants, aussi, sans doute. Cent mille Allemands sur le front de l’Est, j’ignore combien de volontaires italiens,finnois ou français, je préfère ignorer le nombre de nazis. Tout nazis qu’ils sont - ô Barbara, quelle connerie la guerre – ces braves gens, à leurs moments perdus, jouent au foot. Comme les soldats de Tamerlan jouant au foot avec les crânes de leurs victimes, les Allemands jouent au foot avec des ballons, des vessies de porc, et sûrement parfois jouent-ils avec le cadavre de cette femme violée puis abattue, et peut-être aussi, parfois, certains soirs d’ivresse ou de victoire, jouent-ils avec le cadavre de cet enfant arraché à sa mère froidement abattue, puis violée, pour changer.

Toujours est-il que parmi ces cent mille hommes, il en est onze jouant au foot qui, pour punir l’affront de la résistance ukrainienne, décidèrent de ce match contre le Dynamo, équipe qui était déjà la plus prestigieuse de toute l’URSS, de Vladivostok à Leningrad. Les Allemands placardèrent donc dans Kiev qu’un match aurait lieu deux jours plus tard dans le plus grand stade de la ville qui était alors le Zenith, et que l’entrée serait gratuite. Ils n’écrivirent pas sur l’affiche les tribunes surveillées par les chiens, les mitrailleuses et les Waffen SS. Ils n’oublièrent en revanche pas d’écrire l’enjeu du match : la défaite ou la mort, une victoire contre les troupes du glorieux Reich et c’était la fusillade sous les yeux du peuple, au milieu du stade.

Le match commence. Le stade est comble. Les Ukrainiens sont venus en nombre, ils savent. Les Allemands ouvrent la marque. Les Ukrainiens égalisent peu avant la mi-temps. La foule rugit. Le match reprend, le stade encourage son équipe. De plus en plus euphoriques, les joueurs du Dynamo se ruent sur les buts adverses. Plus qu’une poignée de secondes à jouer, faute allemande dans la surface, l‘arbitre n’a d’autre choix que de siffler le penalty. Tous se regardent ; d’un pas déterminé, le capitaine ukrainien s’avance, prend le ballon, le pose à onze mètres du gardien adverse. Je ne sais à quoi il pense à cet instant précis, peut-être à sa femme violée puis abattue sous ses yeux, peut-être à son fils, je ne sais à quoi pensent ses coéquipiers, je ne sais à quoi pense le stade, je sais juste que les nazis ne pensent pas puisqu’ils n’ont jamais pensé, je sais juste que cet homme dont j’ignore le nom tire ce penalty hors de portée du gardien allemand, je sais juste qu’il doit avoir le regard haut et droit quand il retourne auprès de ses coéquipiers, que l’arbitre siffla aussitôt la fin du match, que les mitrailleuse descendirent aussitôt sur la pelouse pour accomplir leur promesse ; je sais juste qu’un monument est élevé à la mémoire de ces hommes en face du stade de Kiev.

Je sais aussi que je ferai un jour un livre de cette histoire merveilleuse, je sais que je continuerai à raconter cette histoire jusqu’à ma mort, à mes amis, à mes épouses, à quiconque, à mes petits enfants qui ne me connaîtront jamais sinon par cette histoire de tristesse et d’espoir, cette histoire qu’ils auront apprise dans les livres ou les yeux d’un grand-père qui voulait à jamais chérir le souvenir de ces hommes.




Marlene Dietrich - Sag mir wo die Blumen sind

dimanche, février 24, 2008

à celle qui doute...











Richard Desjardins - Tu m'aimes-tu

vendredi, février 22, 2008

In girum imus nocte et consumimur igni

Ca puait la bonne conscience et la révolte calibrée, de 18 heures à minuit et quart ; voire 6 heures pour ceux-elles qui choisirent d'y passer la nuit. L'indignation convenue, mise en spectacle, France 3, Augustin Legrand, RTL, Matthieu Kassovitz, l'entrefilet dans le Libé du lendemain.

C'était glauque à n'en plus finir et triste à n'en plus pouvoir. C'était proprement insignifiant cette "Nuit solidaire pour le logement". L'impression d'être en live dans le Truman Show ou dans un épisode de South Park, entre vrais-faux hippies, bourgeoises décaties venues se payer le frisson en faisant la queue avec des SDF pour un bol de soupe populaire, récupérateurs venus tracter pour les prochaines municipales, chanteurs sans voix, sans talent, clones ayant mal digéré les pires clichés de Noir Dés', Tryo et Saez, guitare reggaeisante, multiplication de mots de plus de trois syllabes, voix chevrotante allant chercher des aigus que Freddie Mercury n'aurait même pas tentés.

La certitude d'éprouver dans sa chair la Société du spectacle, quand la contestation n'est que le versant consubstantiel de l'essence-même de ce que la révolte prétend combattre et ne se pose même plus la question de sa prostitution. "A l'acceptation béate de ce qui existe peut aussi se joindre comme une même chose la révolte purement spectaculaire : ceci traduit ce simple fait que l'insatisfaction elle-même est devenue une marchandise..."

Ce n'était pas tant de la tristesse que de la fausse joie qui se monte en épingle et s'auto-alimente, dans le spectacle de ce non-événement. Un militant qui balance quelques confettis sans pour autant faire semblant d'y croire. Une soirée à l'image des pétards mouillés qui furent tirés et que personne n'eut la sagesse de prendre pour des feux d'artifices. Des ballons de baudruche aussi noirs que le deuil. Une révolte qui ne cherche même plus à sauver les apparences, qui sait qu'elle a déjà tout perdu et se paie l'enterrement de première zone. Un gars qui a une idée de génie, d'artiste, prend la couverture de survie qui était gracieusement distribuée et qu'il fallait gracieusement remettre à la sortie, l'accroche au dessus d'une bouche d'aération et regarde le vide créé par le souffle sur le simili or. Un karaoké de Johnny sur la grande scène. Que je t'aime repris en choeur. La foule appaludit le discours d'un représentant de la CFDT "qui s'est toujours battue pour le sort des plus démunis". Ca dégouline de charité, de complaisance et d'autosatisfaction. Ca ne sort surtout pas des espaces préétablis de remise en cause institutionnels. "Si nous sommes là cette nuit, c'est pour faire entendre notre voix et rappeler au Gouvernement que ...".

Nous étions là, ce soir, avec quelques ami-e-s et quelques bières. On s'est fendu la gueule comme rarement, étourdi-e-s par le spectacle du Néant. Gloire au Thib, à la Poï-cube, au Boulbi, à la Nothing et à son mec, apprenti Jérôme Kerviel. Une soirée d'enfer, paradoxalement.

Et si nous avons vu une nouvelle fois que l'enfer, le vrai, est pavé de bonnes intentions, je ne vois pas pourquoi le paradis ne le serait pas de mauvaises.

Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévoré-e-s par le feu.

On l'a pas voulu, mais c'est la guerre.





Et Que Vive la Révolution.

A Paris un soir de semaine, Place de la République, transformée en vrai petit campement de fanfareux et de bobos blaireaux, quand l’alcool n’y est pas toléré, peut-être n’étions nous pas assez engagés, peut-être étions nous des faux, de vrais jeunes cons plus vraiment jeunes.

Il y avait de ces sons mal réglés qui nous grognaient un peu dans les oreilles, de ces cymbales de fête populaire sans engouement ni mélodie, nous étions des gorgées de vin rouge aux lèvres, à regarder la République s’épancher de vide et d’artifices colorés. Une pluie de confettis sur nos cheveux usés, des bouts d’associations agrippés aux statues habillées de couvertures dorées. Les matelas étaient-ils vraiment jaunes de pisse ?

France 3 comme un France 3 de Savoie avait-il dit, de ses mains à tagger la poussière, des pauses vessies à vider sur les pneus des voitures moches, et l’ennui qui nous colle aux basques, repartir vite de cet endroit dégueulasse d’un rien qui ne nous ébranlera pas, encore du vin, aller chercher de la bière, boire un peu ensemble, c’est déjà ça. L’alcool de nos sourires énervés comme un rempart au vide agaçant d’un mouvement essoufflé, ébranlé. Il est où le Canal St Martin Augustin ?

« Ca va Mademoiselle, vous avez l’air d’avoir froid ?
Je trouve qu’il fait cru aujourd’hui dans la maison, non ?
C’est possible… »

C’est possible de bien cuver sagement, le cul posé à la Maison des Associations, à trembler de trop de vin rouge dans les veines, le bide usé, à maudire le Ubi et le Thib qui m’abandonnèrent lâchement au milieu d’une petite foule boiteuse de rires de fête d’une pauvreté caressée de caméras débiles, d’odeurs de frites grasses, de merguez humanitaires.

Le téléphone sonne et Cyrille voudrait boire un verre avec moi, pour parler de Pulp, tu y crois toi à ça, un philosophe qui veut parler avec moi de Charles, peut-être qu’il veut me sauter, que je le suce, me prendre par le cul, se taper un quart d’heure de bite gonflée… Pourquoi voudrait-il me parler, je ne suis qu’une petite fille stupide moi, Monsieur, une connasse de fonctionnaire diplômée d’un 4 ans de rue mancharde.

Et les gens m’emmerdent à me détruire les quelques mots qui sortent du cerveau ébouriffé d’un retour en train vinassé seule. La bouteille de vin suspendue aux lèvres déjà noircies des gorgées de notre petite soirée, accoudée au sac, je sais pas où j' vais, le type d’en face me regarde descendre le vin rouge avec gêne, je suis seule parce qu’ils m’ont lâché, les types de tout à l’heure, avant j’étais pas si seule, j’étais avec eux, là ça peut vous surprendre, vous écoeurer, mais je termine juste la soirée, j’aime pas les soirs de retour, j’aime pas vraiment rentrer et puis le vin rouge c’est plutôt bon et puis vraiment, vous savez j’avais encore envie de parler, se sourire un peu, qu’ils restent avec moi les garçons et puis merde, poser mes yeux sur mes genoux, regarder par la fenêtre le noir des villes, attendre que le train s’arrête. J’ai pas pensé à faire attention de ne pas chuter en sautant du train, j’ai même pas tangué dans les marches, j’étais légère et bien bourrée, peut-être bien que je marchais plus vraiment droit, je sais pas, je voulais juste que vous soyiez encore là.

Me cracher dans les bras d’un trader qui l’est pas, sans raison, comme si j’étais chiante ou impolie, comme si je méritais ça un peu quelque part, comme si toi tu t’étais vengé un peu des lapins que je sème si souvent, comme si la solidarité vous avait effleuré et que tacitement il fallait bien m’abandonner un peu, que je ramasse la monnaie de mes écarts.

Et fuck ces rassemblements merdeux, et la fatigue qui en découle et l’envie de vous revoir aujourd’hui, d’aller se poser près dla gare, à se lire Libé, Charb, boire une pression, regarder Lucien faire le con, prendre le temps de bien glander, bouffer des cacahuètes. J’ai froid, tu crois que c’est du froid d’alcool ?

Et l’excellent soleil qui vient se coller à mon dos tout voûté, et me réchauffe un peu le clavier, qu’il reste, que je puisse me poser en terrasse ce soir, que Lucien puisse courir un peu, que je puisse savourer cette journée que je veux agréable, de ces journées légères des soirées passées où les gens peuvent vous glisser sans rien du sourire dans les poches.

Tu sais, j’ai dit oui au philosophe, pour un verre, j’ai trop bu hier, aujourd’hui je suis pas bien à l’endroit, et puis m’appeler au taf comme ça, tu crois que ça craint, qu’il va croire pouvoir me choper la cuisse de ses mains d’homme, me salir les lèvres d’un baiser piquant, j’ vais quand même pas me faire sauter par un adepte de la branlette intellectuelle, un parvenu de Neuilly, juste parce qu’il en a envie et peut-être bien qu’il en a pas envie du tout non plus, je ne suis pas qu’une petite chatte maquillée sur pattes, peut-être qu’il s’imagine que je sais parler… Je ne suis pas un dévidoir de luxe après tout, je suis une petite poule en fin de carrière, un ptit machin en construction de rides et de fesses trop grosses, une vieille bique. Le soleil s’est cassé, ont-ils tous dormi sur la Place, ont-ils veillé en fanfare et farces et attrapes ? Ils z’auront peut-être un joli reportage à la télévision ces cons, la populasse verra et approuvera et la misère disparaîtra, la paix envahira le monde, les fleurs pousseront et nous irons mains enlacées d’un amour fraternel poser nos derrières sur le bitume, les yeux tendus vers un ciel redevenu si bleu, la paix devancera la mort.

Et le petit sac à dos grungé ne cassera plus de verre, les gamins et les chiens se rouleront à nouveaux sur le bitume salasse de la Place, l’alcool cèdera la place au jus de fruit bio du ptit producteur parisien de la cour d’en face, nous sourirons aux médias, tout ira bien, nous serons éclatants de joie, sinon ben on peut continuer à boire des fois plus qu’il ne faut, lâcher la raison au garage, continuer à être con, à croire en la révolution, à pas toujours être sérieux, à se camoufler dans les rêves, à ne pas jeter de pétards colorés ailleurs que pendant les matchs de foot, à se faire de jolis gâtés d’amour tendre sans être baboss, à jouer les sodomites violents, et je vois les ballons noirs au dessus de vos têtes et les filles qui rient joyeusement, comme elle est étrange cette soirée de solidarité sociale…

Miss Nothing



Didier Super - On va tous crever

Beatus ille qui procul negotiis...

"Vous semblez vous tenir très informé de l’actualité politique française. Quel regard portez-vous sur notre nouveau président ?

Depuis des mois, il s’étale ; il a harangué, triomphé, présidé des banquets, donné des bals, dansé, régné, paradé et fait la roue... Il a réussi. Il en résulte que les apothéoses ne lui manquent pas. Des panégyristes, il en a plus que Trajan. Une chose me frappe pourtant, c’est que dans toutes les qualités qu’on lui reconnaît, dans tous les éloges qu’on lui adresse, il n’y a pas un mot qui sorte de ceci : habileté, sang-froid, audace, adresse, affaire admirablement préparée et conduite, instant bien choisi, secret bien gardé, mesures bien prises. Fausses clés bien faites. Tout est là... Il ne reste pas un moment tranquille ; il sent autour de lui avec effroi la solitude et les ténèbres ; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui il remue. Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète.


Derrière cette folle ambition personnelle, décelez-vous une vision politique de la France, telle qu’on est en droit de l’attendre d’un élu à la magistrature suprême ?

Non, cet homme ne raisonne pas ; il a des besoins, il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse. Ce sont des envies de dictateur. La toute-puissance serait fade si on ne l’assaisonnait de cette façon. Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit, et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve si énorme, il est impossible que l’esprit n’éprouve quelque surprise. On se demande : comment a-t-il fait ? On décompose l’aventure et l’aventurier... On ne trouve au fond de l’homme et de son procédé que deux choses : la ruse et l’argent... Faites des affaires, gobergez-vous, prenez du ventre ; il n’est plus question d’être un grand peuple, d’être une nation libre, d’être un foyer lumineux ; la France n’y voit plus clair. Voilà un succès.


Que penser de cette fascination pour les hommes d’affaires, ses proches ? Cette volonté de mener le pays comme on mène une grande entreprise ?

Il a pour lui désormais l’argent, la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort et tous les hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que la honte... Quelle misère que cette joie des intérêts et des cupidités... Ma foi, vivons, faisons des affaires, tripotons dans les actions de zinc ou de chemin de fer, gagnons de l’argent ; c’est ignoble, mais c’est excellent ; un scrupule en moins, un louis de plus ; vendons toute notre âme à ce taux ! On court, on se rue, on boit toute honte... une foule de dévouements intrépides assiègent l’Elysée et se groupent autour de l’homme... C’est un peu un brigand et beaucoup un coquin. On sent toujours en lui le pauvre prince d’industrie.


Et la liberté de la presse dans tout ça ?

Et la liberté de la presse ! Qu’en dire ? N’est-il pas dérisoire seulement de prononcer ce mot ? Cette presse libre, honneur de l’esprit français, clarté de tous les points à la fois sur toutes les questions, éveil perpétuel de la nation, où est-elle ?"






Merci à la Poï-Cube qui m'a fait parvenir cette interview de...

... Victor Hugo par lui-même au moment de l'arrivée au pouvoir de Napolélon-le-petit

jeudi, février 21, 2008

Les syndicats sont nos amis : jamais, jamais, ils ne nous ont trahis !

Par là (chouette blog) ça discutait et commençait à débattre de Simone Weil -non, pas celle à Sarko, l'autre, la vraie- et de syndicats.







les Chants de la liberté - Complainte de Mandrin l'insurgé
Détournement effectué pendant les grèves de 1995







(thanks to Nikros pour la tof)

mardi, février 19, 2008

nunc est bibendum



Ce soir, je bois.

Je bois en l'honneur de trois gosses de 17 à 24 ans, je bois à leur vie et à tous les jours qui leur restent à mourir, deux dans les cachots de la République de France, un dont la tête est mise à prix.

Ce soir, je bois en l'honneur de N., gosse de 20 ans avec qui je suis allé au musée des arts premiers parce qu'il voulait apprendre. Ce soir il dort en taule parce qu'un juge, avec autant d'embonpoint que de compétence et de barbe, a estimé qu'au détriment d'un renvoi en Algérie (N. est évidemment aussi français que moi), sans aucune preuve, il valait mieux, dans l'intérêt de la société et pour préserver celle-ci, qu'il dorme dans une geôle infestée de rats et de rancoeur.

Ce soir, je bois en l'honneur de S., gosse de 17 ans jugé au pénal, comme un majeur, puisque les lois Sarkozy et Perben II sur la prévention de la délinquance sont passées par là. "Les mineurs de 2008 ne sont plus les mineurs de 1945", disent-ils (môssieuh le commissaire). C'est sans doute juste, et la lutte des classes est morte, et y a plus de saison, et les "conneries" des mineurs se font de plus en plus tôt. Sauf que ça fait 2000 ans que le pouvoir dit que les conneries se font de plus en plus tôt. Et que si c'était le cas, les gosses commenceraient à déconner dans le ventre de leur mère, voire avant.

Ce soir, je bois en hommage à quatre éducateurs qui se soucient de S. et font en sorte que ce gosse parte en "séjour de rupture" (c'est à dire, un genre de Koh-Lanta au Sénégal ou sur un bateau pour que le gosse se prenne une baffe dans la gueule et se remette en question), unique alternative à l'incarcération. Seulement, les fonds pour les actions éducatives de ce type ont été coupés, simplement pas rentables.

Ce soir, je bois en l'honneur de K., gosse de 24 ans que nous sommes allés chercher aujourd'hui à la gare Saint-Lazare. Un mec auquel des collègues de Nice ont filé nos coordonnées. Qui crèche depuis quelques semaines à Bordeaux mais que ça peut plus durer, il est monté, juste avec notre numéro, à l'arrache. Accusé d'avoir paumé deux kilos de coke par des gosses de son quartier qui ont fait appel à des mercenaires serbes, il a les bras encore sanglants, la froide résignation et l'envie d'en finir. Trouver une piaule pour la nuit, avant les démarches demain dès l'aube. Ne pas l'aider, juste l'écouter, dans l'urgence de la douleur. Mais de place pour dormir, nulle part ; négocier une chambre dans un hôtel sordide où nous savons que les passes à vingt euros et les barettes au même prix se négocient juste à côté. Rendez-vous à neuf heures, demain matin, nous verrons bien, les gars de Nice sont à ses trousses et le trouveront peut-être, les Serbes affûtent leurs lames.

Ce soir, ce n'est pas du bourrage de gueule méthodique, c'est de l'oubli et de l'hommage salutaires.

Je veux vomir ce soir, vomir mon alcool et ma haine, gerber sur ces prisons, ces matons et ces juges, cette came, ces sitautions dans lesquelles des êtres humains sont obligés de se mettre pour pouvoir survivre, ce soir je veux vomir la bile amère qui remontera de mes tripes.

Ce soir, à l'heure du dernier verre, je regarderai le gros bouquet de fleurs que j'ai acheté tout à l'heure, des fleurs blanches comme l'innocence, cette putain d'innocence que le monde prend un malin plaisir à envoyer au diable.

Ce soir, je bois en l'honneur de trois gosses qui doivent se sentir bien seuls. Que ces quelques mots qu'ils ne liront jamais puissent les réconforter et qu'ils sentent que, quelque part, des hommes et des femmes les veillent, les estiment et les aiment.







Tacite et T-Roro - Seul

(Initiales et lieux ont évidemment été changés)

lundi, février 18, 2008

mes z'ami-e-s, mes z'amours, mes z'emmerdes...


"Si ta photo n'est pas assez bonne, c'est que tu n'es pas assez près."
Robert Capa


La preuve au dessus au moment où il prend celle du dessous, l'ami J. :














Tom Waits - Picture in a frame,
live in Seattle, décembre 2000










(-fuck le- copyright Nikolas Chaveau pour la première tof, merci au J. pour la deuxième)

vendredi, février 15, 2008

vive les Violettes (Nozière)



Invité à bouffer chez la S. tonight.

La S., c'est non seulement une chouettasse potesse de dix ans que je surkiffe, mais aussi une des rares qu'a toujours des attentions délicates et des cadeaux au plus juste, et c'est surtout la seule qui m'offre des fleurs. Rien que pour ça, gloire à elle.

(Non mais sérieux, les filles, offrez nous aussi des fleurs, ça fait un plaisir insensé.)

Que donc, comme j'allais chez elle, le muscadet déjà dans le sac, j'étais parti pour aller chez mon fleuriste nanterrien habituel, mais me souvenant qu'y en avait un juste à côté de chez elle et vu que je voulais pas me taper le RER bondé avec mon p'ti bouquet (j'avais l'air d'un con, ma mère...), je sursois.

Tout près de Saint Germain des Prés qu'elle crèche, la S. Passer à chaque fois devant le Flore et les Deux Magots, se marrer en voyant les tronches des gens inside, qui viennent, pour le mythe ou pour Beigbeder, boire un demi à 6 euros (sauf que les gens là-dedans ils prennent pas de demi bikoz ça fait trop pas la classe, va pour le porto à 9 euros alors).

Faire une halte à la Hune pour renouveler le stock de bouquins à offrir aux z'aminches.

Coup de bol, le fleuriste à coté de chez la S. est encore ouvert, je pousse la porte, mon museau est joliment flatté, visiblement le stock de roses rouges pour la saint Valentin (piège à clampins) n'a pas fini de trouver preneurs, et là, en retrait, dans un coin, quatre petits bouquets de violettes. Ravissants. Touchants. Emouvants. Que je vais pour en prendre mais, accès de lucidité, je m'enquiers du prix avant auprès de la dame. 45 euros. Le bouquet de dix fleurs. Ok merci au revoir. La S. se contentera du muscadet chopé chez ED. Eclat de rire intersidéral rue des Saints Pères. 45 euros le bouquet de violettes. Franchement...

C'est pas parti pour être la plus grosse soirée danse du siècle chez la S., mais ça tchatchouille bien. Qu'on s'émeut, s'énerve, s'enflamme sur les dernières déclarations de notre Guide Suprême Himalaya de la Pensée qui fait se pâmer les femmes et bander Didier Barbelivien. Parce que quand même, quelle bonne idée de faire adopter un petit juif mort à Auschwitz à un gosse de 10 ans. A croire que la politique d'extermination systématique nazie n'a rien fait pour les homosexuels, les handicapés, les communistes ou les tziganes. Ou même les autres, d'ailleurs. Je serais prof, juste pour le fun, je ne parlerais que des homosexuel-le-s déporté-e-s. Que chacun-e adopte son homosexuel-le ou son handicapé-e livré par la police nationale de France aux autorités allemandes de l'époque me semble effectivement un sujet historique digne d'intérêt.

Arrivent des gens et v'là que se reconstitue chez la S. une bande qu'a bossé à Chanteloup-les-vignes. Chanteloup, la Noé (où fut entre autres tourné la Haine), où officie depuis 1983 Pierre Cardo, maire UMP né à Toulon et ancien administrateur d'Eurotunnel. Et du coup ça commence à tchatcher de le sujet fondamental pour que ça polémique : "le jeune de banlieue". Qui est forcément dealer. Violent. Sans repères. Et qui brûle les voitures du brave gens qui se lève à 4 heures du mat' pour aller travailler et ramener le pain pour sa famille au chômage. Encore plus de clichés que le jour de la visite de notre Guide Suprême au merveilleux pays de Mickey avec la femme de sa vie que le monde entier lui jalouse à juste titre.

"- Oui mais tu comprends, le sentiment d'insécurité, un jeune m'a craché au visage, il aurait pu me casser la gueule !
- Et il l'a fait ?
- Ben non, mais il aurait pu !"

Moment propice pour aborder la nécessaire distinction entre violence réelle et symbolique. "Tu sais le jeune il m'a dit, t'es pas chez toi ici, c'est pas ta cité." Et quoi, tu crois que la carte des tarifs du Flore et des Deux Magots, tu crois que le prix d'un bouquet de fleurs c'est pas tout aussi violent et encore plus radical pour te faire comprendre que tu seras jamais chez toi, ici, dans cette ville. Sauf que t'es restée plus d'un an à Chanteloup, et que t'as fini par aimer cette vie de quartier, ces solidarités de sous-france et de joie, cette lutte pour que la vie reste plus forte, malgré tout, nuit après jour. Et qu'au final, tu t'es jamais fait agresser, parce que, dans la guerre civile quotidienne, les jeunes et toi savez très bien où est le véritable ennemi.

"Je ne serai jamais neutre entre la violence des opprimés et la brutalité des oppresseurs". C'est du Jean Genet, homosexuel délinquant qu'a pas eu la chance de finir gazé puis cramé dans un four et qu'un gosse de CM2 n'aura donc pas l'honneur de pouvoir adopter. Le Genet sur la tombe duquel je rêve d'aller, dans le vieux cimetière espagnol de Larache, au Maroc. Cette tombe sur laquelle je déposerai un petit bouquet de violettes. Quel qu'en soit le prix.






No man's land - Paris Moscou Berlin




(et un joli tableau de Manet)

mercredi, février 13, 2008

à question con, hétérotopisons...

Y a environ un an, on avait demandé à l'éducateur de rue que je suis (c'est sympa d'éduquer les rues comme boulot...) de faire un écrit professionnel sur "les zones géographiques du quartier et leurs délimitations".



Un quartier et sa population sont, par définition, une réalité mouvante. De fait, établir une liste des points stratégiques semble relever de la gageure. Jorge Luis Borges, auquel Michel Foucault rend hommage au début des Mots et les choses, cite "une certaine encyclopédie chinoise" où il est écrit que "les animaux se divisent en :
a) appartenant à l'Empereur,
b) embaumés,
c) apprivoisés,
d) cochons de lait,
e) sirènes,
f) fabuleux,
g) chiens en liberté,
h) inclus dans la présente classification,
i) qui s'agitent comme des fous,
j) innombrables,
k) dessinés avec un pinceau très fin en poil de chameau,
l) et caetera,
m) qui viennent de casser la cruche,
n) qui de loin semblent des mouches."

L'émerveillement et l'amusement qui nous étreignent à la lecture de cette classification nous font voir de plein front l'inanité et l'aporie de toute tentative de mise en ordre. Classer, nommer, établir des catégories relève d'un parti pris signifiant le rapport au monde de celui qui établit ces catégories. Tâchons toutefois de voir si le quartier, au delà du simple recensement de la fréquentation des lieux, peut être appréhendé comme une addition de centres névralgiques.

La sociologie urbaine nous apprend que le lieu est d'abord ce que l'on en fait. Le centre du monde d'un enfant gravitera autour de sa maison, de l'école et de son terrain de jeu habituel ; pour l'adulte, cela pourra être le lieu de son travail, le domicile, le café s'il aime y retrouver ses amis, l'endroit où il va prier s'il est pratiquant, etc... Qu'en est-il de l'éducateur en prévention spécialisée pour qui le territoire doit être la zone d'intervention tout entière ? Le lieu est tout d'abord subordonné au temps : temps qu'il fait (lieux ombragés ou jardins pourvus de fontaines recherchés par temps de canicules, cafés remplis les soirs de pluie, avenues et places désertes par temps de grand froid...), mais aussi temps qui passe (un terrain de football, une impasse ou un arrêt de bus n'ont pas la même fonction de midi à minuit).

De fait, s'il semble évident qu'il existe des zones d'habitation (barres HLM ou pavillons), des lieux de socialisation (cafés, place V., centre commercial), des lieux institutionnels (mairie de quartier, collège, structures associatives), des espaces de détente (parcs et jardins publics, équipements sportifs) et des lieux de passage (gare, boulevard L., quais de Seine), il est tout aussi évident que la fonction assignée à ces lieux variera selon des données subjectives.

Tout aussi importantes que les cités d'habitation en tant que telles dont les jeunes se prévalent souvent quitte à entretenir des querelles identitaires, sont ces zones tampons de transition comme la rue V. Prenons l'exemple de cette rue symptomatique ne pouvant relever d'aucune catégorisation précise. Reliant le boulevard S. au boulevard L., elle est ouverte en son milieu par la place V. Quelques pavillons d'un côté de la rue, de l'autre, des bâtiments municipaux. C'est à la fois un lieu de stationnement (petit renfoncement abrité de sapins, bancs) utilisé par les anciens, les mères de famille avec leurs poussettes, le jeunes sortant du collège et un lieu de passage : il s'agit du passage le plus court et le plus pratique pour aller d'un côté du quartier à l'autre sans rallonger son chemin et du passage incontournable des jeunes allant au collège ou en revenant. Elle bénéficie d'une relative discrétion (les fenêtres d'immeuble donnent difficilement sur elle) et permet ainsi par exemple aux jeunes de "s'embrouiller" tranquillement hors du regard des médiateurs du collège ou muncipaux. Cette rue est dès lors une des zones fondamentales dans la régulation des équilibres symboliques inconscients du quartier. Ni véritable coupe-gorge, n'appartenant pas à une zone géographique définie mais au coeur du quartier, ni réellement habitée, très rarement déserte, elle semble être l'archétype de ce qu'une taxinomie ne pourra jamais recenser.

L'endroit stratégique du quartier, c'est donc d'abord celui où se trouve l'éducateur. Peu importent les raisons l'y ayant amené : volonté de rencontrer un jeune dans les endroits qu'il fréquente habituellement, présence sociale pour observer des joueurs de football ou des mécanismes de deal ; l'endroit n'est rien si le sens n'est pas. La classification proposée pour parodier Borges prend donc dès lors tout son sens.

Le quartier se divise en :
a) soirs de pluie,
b) odeurs de shit,
c) local des éducateurs,
d) de midi à minuit,
e) présence des cars de CRS,
f) parc des Anciennes Mairies en dehors du quartier,
g) nuits de Ramadan,
h) inclus dans la présente classification,
i) tags sur les poubelles,
j) rue V.,
k) plan détaillé disponible au cadastre de la mairie de Nanterre (pas mes rêves !),
l) et caetera,
m) regard des éducateurs,
n) vie des ceux et celles qui y vivent.








une baffe dans la gueule d'intelligence et de poésie (à écouter après le texte) avec les Contre-Espaces du grandiose Michel Foucault :

lundi, février 11, 2008

je viens te voir...



cher Allain,

compagnon d'ivresse(s),
fils de Brel,
cancérique au dernier stade qui donnes peut-être ton ultime concert,
icône, ami, poète, cher frère,
maître à chanter de Jehan, Francesca Solleville, Loïc Lantoine, Romain Didier et des autres qui seront là ce 12 mars 2008,
cher homme,
auteur de la plus belle chanson de cul de tous les temps et de quelques autres merveilles,

je serai là...





cher-e-s ami-e-s,

compagnon-ne-s d'ivresse et du reste,
fils et filles du pavé, de Brassens ou du reste,
vous qui allez tou-te-s y passer tôt au tard, de cancer, du reste ou de la vie,
ami-e-s, amours, frères et soeurs d'émotion et d'intelligence,
sans foi ni loi, sans dieux ni prêtres
cher-e-s vous,
hauteurs de ma vie,

puissiez-vous être là...






Je viens vous voir


Bilou


Ton cul est rond


C'est peut-être




(dépêchez-vous, il ne restait que 163 places ce matin... à 27 neurones, je sais, mais ça vaut trop le coup...)

dimanche, février 10, 2008

mes z'ami-e-s, mes z'amours, mes z'emmerdes...



Ça sent la banlieue de nuit, les tunnels de l’A 86 et les petits matins d’hiver à attendre le RER à Gennevilliers ou à Melun. Ça pue la ville, les limites z’interlopes, les ombres, ça suinte le réverbère brumeux et Bristol en novembre.

La voix de la Mag et le clavier du Jibé, j’ai toujours aimé le trip-hop, de la solitude qui remonte à la gueule, tailler la route pour je ne sais où, ne pas s’affranchir de condition de petit blanc de la middle-class, ce concert dans les rues de Montreuil où les vidéos sur les immeubles projetées cependant que les basses cartonnaient, et l’attente du deuxième album….






Etikal-Lab - Again


Etikal-Lab - les Choses

samedi, février 09, 2008

brasier

"Il y a des vérités qui ne peuvent être révélées qu'à la condition d'avoir été découvertes.
Vous avez ouvert l'enveloppe, vous avez brisé le silence"

Wajdi MOUAWAD, Incendies




chère É,


Je n'aurais donc pas la joie de te faire découvrir l'incendiaire de Montréal que me fit découvrir une incendiaire de Montréal.

Si longtemps que nous ne nous sommes vus, que je ne t'ai vue, que nous ne t'avons vue, en fait, l'incendiaire et moi, première épreuve, comment faire comprendre ce qui nous unit à celle que j'aime, les mots de Mouchard après le Sacrifice de Tarkovski et ces vingt dernières minutes de feu, d'arbre sec qu'un gosse arrose, de cendres encore rougeoyantes de notre histoire.

"Adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré" qu'il disait, le saint Remi au Clovis demandant le baptème.

Pour une fois, ne rien brûler.

Une incendiaire de Montréal illumine ma vie, mes nuits, mon monde.

Burn, baby, burn. Incendies de Mouawad. Le livre que j'aurais aimé lire à Delphes, au matin, quand le soleil qui nait embrasse la montagne, la vallée d'oliviers et le théâtre, les pas dans les pas des petits pieds enflés d'OEdipe, je lisais Sophocle, il m'aurait fallu Mouawad, le monde qui nait à Delphes, à Montréal, à la prison de Kfar Rayat. Tous les matins du monde, dans l'espace sacré du vertige.

L'incendiaire pose ses valises, définitivement j'espère, début mars, à cent mètres de chez toi.

"Brûlé de plus de feux que je n'en allumais" que le Pyrrhus assène à la sourde Andromaque.

Ne pas contrevenir à ce qui reste de nos jolies cendres.

Et si nous n'avons plus de nuits où se parlent nos joies, nos angoisses, nos corps, je suis là, je sais que tu le seras toujours, non plus cet incendiaire phénix qui renaîtra encore, mais cette simple veilleuse qui éclaire et réchauffe et ne s'éteint jamais.



À bientôt, chère belle amie,


Ubi









Barbara - À chaque fois

vendredi, février 08, 2008

le voyage en Grèce, bonus tracks

Ce qui se tramait à Athènes vers octobre 2007.



Et puis la danse. Parce que sinon on est tous morts. Je leur raconte l’histoire du vieux Croate à Split expliquant au Dadu que la Yougoslavie est morte quand les gens ont arrêté de danser. Qu’on ne danse plus trop, non plus, à Paris. Et que la cold wave grecque commence à me prendre aux tripes et à me chatouiller les rangers. Deux heures d’oubli du monde, à juste ressentir et à traduire en mouvements. Cet honneur que je veux faire au pays qui m’accueille. Danser pour lui. Danser avec ces gens que j’aime. Jusqu’au bout de cette nuit.

Trois notes qui arrivent. Un murmure traverse le club. La piste est d’un coup bondée. Je demande à D. ce qu’il se passe, elle m’explique que c’est un gros tube grec underground de 1984. Daxi. Début un peu pourri pourtant, intro digne d’un slow foireux, voix qui se cherche. Et ça arrive. Nappe de violons au synthé, le mec, ou la meuf, qui chante rentre dans une sorte de vertige, la basse est monstrueuse. Refrain. Ça monte et submerge d’émotion. Puis l’apocalypse. I love you, I love you, martelé une bonne dizaine de fois, I love you qui me déchire les tripes. Une chanson de saccage et d’amour, de crépuscule et d’aurore, d’intime universel. Ça doit durer six, sept minutes, je ne sais pas, ça n’en finit plus de ne plus finir, besoin que ça s’arrête pour respirer et tellement pas envie pourtant. I love you, I love you. Être sur le gouffre, regarder au fond avec joie, se vautrer dans l’infini, et jouir, encore une dernière fois.


Band of holy joy - Fishwives



Nos amis grec-que-s n'ont presque pas eu de punk dans les 80's, mais de la new wave, politisée à donf', avec parfois des genres de Cure sous amphét'.


Headleaders - Her ways are cold



Un rebetiko, beau à pleurer, zik qui nait dans les ports et les zones z'interlopes à la fin du XIXème, comme le fado et le tango, blues de mélancolie et d'exil.





Une des chansons de la Fin pour finir. Quand tout se finira dans le sang et les cendres, que les corps pendront à des crocs de boucher rouillés au fond de quelque usine désaffectée, quand il n'y aura plus rien à espérer et que tout sera bon pour que le Chaos règne enfin. Un truc qui s'écoute fort, la nuit, avec l'orage à la fenêtre et que même le camarade Wagner peut aller se coucher...


Slow motion - die Siele

jeudi, février 07, 2008

oh, j'cours tout seul...



somewhere in Nanterre (pas mes rêves !), this afternoon...











(OST : Paolo Conte - Sparring Partner, live 2005 à Vérone)

nb : Gloire à la grandiose GrandK qui a dégotté le moy' d'activer la zik sur ce magique blog...

mardi, février 05, 2008

mort au Pestacle !



"Sous chaque masque noir, il y avait un sourire, dans chaque pierre lancée, de la joie, dans chaque corps révolté contre l'oppression, il y avait du désir. Nous n'arborons pas de passions tristes, pas de ressentiment. Si cela avait été le cas, nous n'aurions pas pu nous battre et résister si longtemps."

Extrait d'un communiqué anonyme, Rostock, 3 juin 2008.













(OST : Beastie Boys - Sure shot)

lundi, février 04, 2008

"Les royaumes sans la justice ne sont que des entreprises de brigandage" (1)




cher N,

J'aimerais bien que "tout homme soit présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable" (2). Bizarrement ça ne semble marcher qu'avec les ministres en exercice et les patrons de banque. Pas avec les gosses de banlieue, qui plus est arabes, boutonneux, et à capuche.

Je me souviens d'il y a deux semaines, de cette belle après-midi d'hiver parigote où nous devisâmes de tout et de rien, des filles qui passent dans le soleil couchant sur le pont Mirabeau, de cette virée aux musée des arts premiers, de ton envie d'apprendre, tout simplement, pour "comprendre le monde".

Toi et tes vingt ans de sous-France et d'espoir, et ces quelques moments où l'on se trouve, deux hommes au plus près de leur vérité, silences, regards, aveux. Ton réveil à 8 heures du mat' juste pour faire un CV, alors que nous savions tous deux que là ne sera jamais l'essentiel, juste donner le change : oui, Ubi, je veux bien, allons-y, mais sois là.

Le soir où j'apprends que les keufs sont venus te serrer, perquis' à domicile, tous les portables de la famille confisqués, sur écoute, suspicion de stups et d'armes. Sans doute la police nationale de France pensait-elle trouver sous ton plumard ou dans la carte sim du téléphone de ta mère 10 kilos de shit et 35 lance-roquettes.

Tous ces gosses de quartier qui viennent me voir, me disent "qu'il parait qu'on a passé une bonne journée ensemble" et qu'il faudrait que je te file un coup de main.

Ta mère qui chiale entre mes bras, ta mère dont la mère va mourir au pays et qui ne part pas encore la veiller, dans l'attente du résultat de ton procès.

Ce procès où je fus évidemment, cette aprème, immonde mascarade, et la société est foutrement bien faite puisqu'elle a foutu des uniformes et des robes noires aux connard-e-s pour qu'on les puisse les reconnaître.

La juge qui m'appelle à la barre, cette juge qui déclarait à peine cinq minutes plus tôt que tes parents auraient mieux fait de te "renvoyer en Algérie ce qui serait pas plus mal, vu votre dossier"...(3). Quelle jolie réponse, "renvoyer", à supposer que tu y sois déjà allé et que tu en sois revenu, de ce pays qui n'a jamais été le tien, bikoz "tu représentes pas assez la France du passé..." (5).

Inutile de s'attarder sur le verdict, pseudo-débat vermoulu depuis le début, lâche rien camarade, la pile de bouquins attend mon permis de visite qu'un quelconque juge bedonnant voudra bien m'éventuellement signer après son rot de repas bien arrosé, le grand Louis tout en haut de la pile...

"Pour toucher, pour voler un peu de vérité humaine, il faut approcher la rue. L'homme se fait par l'homme. Il faut plonger avec les hommes de la peine, dans la peine, dans la boue fétide de leur condition pour émerger ensuite bien vivant, bien lourd de détresse, de dégoût, de misère et de joie. Avec les hommes de la peine, il faut vivre dans le coude à coude. Mêler aux leurs sa sueur, les suivre dans leurs manifestations grandioses et bêtes. Parler leur langue. Toucher leurs plaies des cinq doigts, boire à leurs verres, pleurer leurs larmes, faire gémir leurs femmes, partager leurs pauvres espoirs et leurs petits bonheurs." (6)








(1) : Saint Augustin

(2) : 1789, tout ça...

(3) : "La justice nique sa mère
Le dernier juge que j'ai vu
Avait plus de vice
Que le dealer de ma rue" (4)

(4) : Cut Killer, évidemment

(5) : NTM, cette fois, évidemment

(6) : Louis Calaferte, Requiem des innocents








(OST : NTM - That's my people)

dimanche, février 03, 2008

vertiiiiiige de l'amour

Nanterre (pas mes rêves !) by night, 35ème étage, tours Aillaud, vue de chez le camarade (salut à toi) Roger des Prés...








(OST : Michel Fugain - Fais comme l'oiseau)

vendredi, février 01, 2008

le vieux wagon

(une belle viellerie retrouvée, l'idée du vieux quartier m'ayant été suggérée par le père Rubab)




Paumée au fin fond de ce vieux quartier pourri, la gare pouvait être que désaffectée ; du genre les mauvaises herbes qui ont depuis longtemps pris le contrôle du ballast et des rails, seringues et capotes jonchant le sol de l’ancienne salle des pas perdus, lampadaires fatalement blafards qui peinent à éclairer le pavé brumeux, limite si la pipe du vieux Maigret n’allait pas pointer le bout de son imper. Pour que le plan soit foireux jusqu’au bout, elle lui avait donné rendez-vous à 23 heures 42, heure de passage du Corail pour Perpignan, Port-Bou, Barcelona.

Il avait cette lettre et cette invitation pour le rencard miteux dans le vieux wagon taggué, le seul qu’avait survécu aux assauts des Molotovs d’y a dix ans, quand ça s’était bastonné contre la fermeture de la gare. Deux belles soirées d’apocalypse, faut dire qu’y avait qu’à se baisser pour ramasser les caillasses et les barres à mine ; un flic mort d’une balle dans la tête en guise de compostage, la gare avait eu le droit à l’enterrement de première classe.

C’est là qu’il l’avait connue, et la baffe dans la gueule quand il la vit la première fois lui avait plus cramé la tête que les lacrymos et les cocktails qui furent ensuite échangés. Ils étaient, de la grâce de cette manif qui avait mal tourné, l’unique justification possible. Dix ans après, ils allaient de temps en temps passer la nuit au vieux wagon, pour le fleurir et s’y aimer. Mascottes d’un quartier qui trouvait la force de chérir ses symboles, ils vivaient du cours du temps et du hasard de s’être trouvés.

Elle lui avait donc écrit pour lui filer rencard. D’habitude, ils y allaient plutôt comme ça, sans l’avoir prévu, au bonheur de leurs nuits. « M’attends pas vendredi, retrouve-moi où tu sais à 23 h 42… ». Ça présageait rien de bon, elle se mettait à prévoir des trucs dans sa vie, ambiance film noir à deux balles, il se demanda s’il aurait le choix des armes puisqu’elle avait décidé des lieux et heures, de toute façon il viendrait sans témoin, retrouve-moi où tu sais, pffff, tu parles d’une expression à la con, sans parler des points de suspension…








(big up Dadu pour la tof !
OST : Muddy Waters - Mannish boy)