samedi, octobre 04, 2008

nach Berlin, fuck Berlin ! (vol. V)

Ca fait depuis que je suis là que j'essaie de choper le Gugi. Enfin, choper, au moins échanger plus qu'un silence en réponse du "morgen" matinal. Faut dire que d'après ce que m'en a dit C., il a un sacré parcours le gaillard. Interprète croate dans un HP berlinois pour réfugiés de la guerre, je parle autant yougo qu'il n'ajoute de mots après son "oï-oï !" qui lui sert de viatique dans toute conversation.

Et comme j'ai furieusement envie de tchatcher avec le loustic, j'emploie la manière forte à la Dadu-Zabos copyleft. Je plante le MP3 sur l'ordi et vazy que j'te balance un Azra de derrière les fagots. Nous sommes huit dans la pièce, il est à l'opposé bout à trifouiller un autre ordi, sa tête se tourne, les yeux nostalgisent, il cherche du regard celui qui a pu commettre ça. Je fais le gars comme-si-que-rien... Quelques mots d'allemand échangés avec les z'autochtones. J'enchaine avec les Filles qui passent dans la rue. On parle un peu, de loin. Idoli, maljciki, histoire de mettre tout le monde d'accord, si besoin était.

Décidé à pousser un peu l'avantage, vazy pour mettre un coup de la plus belle chanson de Quatorze, celle des réfugiés serbes revenant dans le janvier de 1915 vers leurs villages brûlés à travers les montagnes enneigées. Chanson honteusement reprise depuis par les nationalistes serbes, un peu comme si que le Temps des Cerises s'était fait autant resucer que la Marseillaise par les sbires du Borgne. Tamo daleko donc, et le malaise.

"It's a Radovan Karadjic song.
-Ben non, que je reprends, en remettant au jour l'histoire des réfugiés de Quatorze toussa...
-No, it's a Karadjic song."

Bon, ça va grave faire avancer le débat, cette affaire.

Que je lui demande d'où il vient le Gugi, de Novi Sad, belle ville, t'y es retourné ? non, pas depuis huit ans, pas envie de, non, je me suis complètement fait à la mentalité allemande.

Tout s'explique.

Je lui mets, pour la forme et plus pour moi que pour lui, la version de Plastika par les fabuleux John Picon's Explosion.

Un pain de plastic, vraiment bonne idée... J'ai passé l'âge de refaire le monde, je ne refais plus guère que l'Histoire.

"What are you doing here ?" qu'un habitant de l'Hausprojekt me demandait tout à l'heure. "Ben, je vais aux chiottes" lui réponds-je naïvement. "No, what are you doing here ?" qu'il me répète. "I'm a guest of C." comprends-je qu'il faut répondre. "OK". Et il se barre sans autre forme de procès. Limite "Ausweiss bitte". Sans le "bitte".

Putain, les gens, alors que je suis là depuis une semaine, tranquillou, invité par un super pote, vous avez toujours pas remarqué ma grande carcasse ? Et quand bien même ce serait le cas, ça empêche qu'on fasse des présentations cordiales et qu'on aille se vider des bières ensemble, et qu'au pire, complètement avinés sans se connaître, on refasse le monde ensemble ? C'est trop demander, camarade allemand ? Il a ptêt bien fait, le Nietzsche, de se barrer à Turin à coup de marteaux.


écrire, dit-il... (merci au Thib' pour la tof)




(ami-e lecteur-rice, tu noteras que je viens de te (re)faire ta discothèque yougo en un billet, merci Ubi !)

3 commentaires:

el rubab a dit…

yo Ubi; faut dire que même si cette chanson a été méchamment détournée, t'y as peut-être été un peu fort pour engager une première conversation avec un ex-yougo... c'est toujours chaud d'expliquer à un type que tu connais mieux que lui certains trucs de chez lui (récemment un kosovar essayait de me convaincre de l'existence d'un alinéa concernant les conditions d'obtention de la nationalité française pour les réfugiés; j'étais à lui soutenir qu'il disait des conneries; et quand j'ai été vérifié dans les bouquins évidemment qu'il avait raison le bougre, et que le con c'était mézigue)

ubifaciunt a dit…

ah mais c'est que j'aurais bien aimé discuter sans être obligé d'en passer par là... que ça se passe naturellement et tout, mais, du coup, vu que même avec du rock yougo normal c'était dur, j'ai essayé autrement voilà quoi... et je ne voulais aucunement apprendre quoi que ce soit au gaillard, juste un échange surtout avec lui en tant que croate ayant vécu avant la dislocation de la république fédérale...

Dadu Jones a dit…

M. Rubab el n'a pas forcément tort... d'autant que le reste de la discothèque est chouette, ouais, mais classique.

Comme si un gars de là-bas nous faisait écouter du Plastic Bertrand avec les yeux qui brillent.

Pis p'têt' dommage aussi: j'me dis qu'un gars qui me sort du Plastic Bertrand, il a pas de mauvaises intentions, et qu'avec le temps, il va même me faire souvenir que j'aimais bien ça, Plastic Bertrand, avant...

Phénomène d'élite culturelle de l'underground berlinois?

Pfffff, qu'est-ce que j'en sais...

Après, "Tamo Daleko", c'est tendu du cul: comme si le même que Plastic Bertrand me jouait dans la foulée un bon pavé ultranationaliste local (Sardou???) issu de la grande époque de la République numéro III-pas-paix-à-son-âme en lui disant que non, c'est pa la chanson à Pétain, c'est celle à Clémenceau...

Le dommage, c'est p'têt' le malaise plutôt que l'explication-causerie...

M'enfin, tout ça, c'est pas si grave, Wall Street a bien résisté hier, dit la radio. Brave petite Wall Street...