dimanche, décembre 28, 2008

Après la tempête, so calm...

Verrine de saumons en duo



Foie gras mi-cuit et son pain d'épices maison



Pavé de biche braisé






Désespérément pas de tempête en Bretagne, donc.

Une lumière de dingue baigne la bouffe familiale et les quelques ballades.

Et je vais sérieusement peut-être songer à me transformer en photographge gastronomique (si en plus ça me permet de bouffer à l'oeil...).

Ou pas.
























La chanson con bretonne du moment avec les fameux Oldelaf et Monsieur D




Et si t'as rien de mieux à faire que de baver devant les trois premières tofs, va donc faire un tour par là, c'est pas tous les jours qu'une chouette hauteur de l'auteur de polar comme ça bloggifie.

dimanche, décembre 21, 2008

LA-GRECE-DES-CAVERNES

« Brûlé de plus de feux que je n’en allumai…. »

Jean Racine, Andromaque.





Ne rien avoir rapporté.

Sinon la joie.

Ne rien avoir emporté non plus, à l’heure de monter dans l’avion, lois d’exceptions permanentes, mesures anti-terroristes, quand un livre devient une pièce à charge et le numéro de téléphone d’un ami étranger la preuve d’un complot international.

Ne pas avoir pris de notes, pendant ces quatre jours, des fois que… Ne rien avoir rapporté, sinon ces souvenirs aussi brumeux que les lacrymos faisant pleurer Athènes.

Ces nuits où la Grèce n’aura jamais été aussi belle du deuil et de la rage, de la fureur et du mystère, du silence et des flammes.

Athènes dont le plus beau marbre est celui jeté à la gueule des porcs assassins d’un gamin de quinze ans, d’un avocat véreux, d’un Etat qui vacille. Athènes où les applaudissements éclatent en même temps que les vitrines. Athènes qui brûle pour Alexis et s’en fait une joie.

Les heures égrènent les vingt gosses de treize ans aux couleurs du PAO, de l’Olympiakos et de l’AEK attaquant ensemble une prison, la grève de l’Acropole, les bouteilles vides qui attendent, les camarades italiens devant Polytechnique, les trottoirs défoncés à coups de barre à mine, les carcasses des bagnoles cramées une troisième fois pour une énième barricade, les motos qui tournent sans fin pour chouffer les keufs, les hélicos qui tournent sans fin pour surveiller la ville, le rire des amis, l’odeur des lacrymos importés d’Israël, les discussions sans fin dans la douceur des orangers.

Et puis nos doutes, aussi, de pauvres petits français peu rompus à une telle guerre de rue. Blanqui a sans doute plus essaimé à Athènes qu’à Paris. Quoi que, par certaines nuits d’un novembre 2005…

Tends-moi ton Molotov, camarade, saurai-je m’en servir, ne tremblerai-je pas, et ces français que je ne connais pas qui sont à nos côtés, tends-moi ton bras et ta confiance, tends-moi ta force, je ne ferai rien ce soir, tends-moi ta joue que je m’excuse et je t’embrasse, camarade et ami.

La vie, la mort, tout ça, l’insupportable combien de gosses tués sous les balles d’un flic pour combien de flics tués. L’addition, s’il vous plaît.

La première manif, sac encore sur le dos, et des slogans comme un chœur de l’époque où ça inventait le théâtre et le monde. Ça monte des tripes, violent, décidé, le chœur chasse les quelques keufs qui osent se pointer sur le parcours. Les pierres volent déjà, la ville est à nous, nous sommes au monde, plus de théâtre.

Retrouver son chemin, lampadaires dépavés et trottoirs éteints, quelques verres de blanc pour la route, les poubelles crament aux carrefours, des cris au loin, les gaz, le feu. Ce vieux qui demande ce qu’on en pense en France ; à Paris… Lui, comme tout le monde il est d’accord pour que les banques soient attaquées, pillées. Rendues au néant.

Une fac occupée et retrouver les amis, comme une évidence. Etre là, simplement, parce qu’il le faut, parce qu’ils l’auraient fait dans l’autre sens, ou, à tout le moins, ils auraient brûlé un consulat si ça avait pété un peu chez nous. Pour la forme.

N’avoir rien à apporter, sinon notre joie d’être là, au milieu d’eux, au milieu de cet autre Alexis de quinze ans qui parle pour la millième fois de la mort de son pote, qui est devenu un symbole malgré lui, que tout ça dépasse bien au-delà des mots, il n’y a plus de mots d’ailleurs ; juste une ville qui vit d’embrassades, de retrouvailles et de banques qui flambent.

Une AG de 300 personnes où la parole circule, fluide et pure, où le langage signifie vraiment le monde et une forme de réel ; ça devait être comme ça, il y a plus de deux mille ans quand ils inventèrent le monde. Atavisme. Tradition. Ou héritage. Et quand bien même ils s’en défendent.

Le lendemain, manif à 13 heures. Les pierres pleuvent dès midi. Des gosses de treize ans chassent les keufs. L’impression de mourir et d’avoir à gerber ses poumons sous les lacrymos que l’Etat grec achète directement à l’armée israélienne. De l’incapacitant que les masques à gaz peinent à filtrer. Coude à coude. Bras à bras. Dans le rudoiement des gaz, les pierres redoublent.

J’apprends plus tard que la manif était soft, pas de cocktails de sortie car il fallait laisser aux étudiants le choix des armes. Ceux-ci avaient juste choisi les pierres, afin que tout le monde puisse participer, le plus naturellement du monde.

Passage par Polytechnique, rumeurs et fausses alertes. Les cagoulés chargés de Molotov veillent à la porte, la lune monte entre les colonnes grecques d’un bâtiment, un feu crépite. C’est la guerre, mondiale, civile et locale, la tension maintient en éveil. La guerre pour la seule cause qui vaille. C’est l’épreuve.

Nouvelle AG à la fac. Toujours autant de monde. Attaque-t-on ce soir ou demain. Ce sera demain. Dormir un peu, voir les amis. Parler. Refaire encore une fois ce monde que nous sommes en train de créer.

Le samedi, une semaine depuis qu’Alexis a été assassiné. Une AG où la parole se tend, les objectifs se précisent et les groupes se forment. Regards, coordination, l’organisation trouve ici son aboutissement. Un minimum de risques pour un maximum de dégâts. Les poings se serrent, tapent sur l’épaule.

Embrassades.

Capuches.

Cent cinquante à bouger, autant à protéger.

Cagoules, gants, écharpes, masses, pavés, cocktails.

Sous chaque masque noir, il y avait un sourire, dans chaque pierre lancée, de la joie, dans chaque corps révolté, il y avait du désir.

Tends-moi ton Molotov, camarade, ce soir je ne fais rien et je t’embrasse. Je suis auprès de toi.

Athènes brûle et s’en fait une joie.

Plus tard, dans Exarchia, la fumée sans qu’on sache s’il s’agit des lacrymos ou des banques qui crament. Encore une nuit. Encore des feux et des pierres, des matraquages et des gaz, une ville qui n’en finit pas de se rencontrer à chaque carrefour, de virer les journalistes, de se trouver dans ces gens qui parlent de l’innommable et de la joie. Les keufs morflent sévère.

C’est la guerre civile du monde qui nous attend.

C’est le dernier soir ; celui où l’on sait qu’on est déjà parti. La nuit de flammes et de fureur, les copains n’en finissent pas de charger, demain l’avion, le contrôle de police à la frontière, le dernier café sous les orangers, la dernière pierre lancée, les derniers doutes, cette ville où l’on laisse plus qu’une part de son âme, l’Acropole est toujours en grève, la ville brûle, Alexis est mort et les amis sont là.

Il est si juste que la ville qui a inventé la démocratie en soit aussi le tombeau.

Et puis ces derniers mots, écrits quelque part dans la nuit brûlante.

« Paris sous les bombes,
Athènes sous nos feux. »




à Cool, parti trois semaines trop tôt…

décembre 2008











Toutes les pierres arrachées des trottoirs et jetées sur les boucliers des flics ou sur les vitrines des temples de la marchandise ; toutes les bouteilles enflammées gravitant sous le firmament ; toutes les barricades érigées dans les avenues, séparant nos espaces des leurs ; tous les containers plein des déchets d'une société consumériste que les flammes de l'émeute transforment, d'un rien en un quelque chose ; tous les poings dressés à la lune ; ce sont les armes qui donnent un corps et un vrai pouvoir, non seulement à la résistance, mais aussi à la liberté. C'est ce sentiment de liberté qui, seul, mérite qu'on parie sur de tels moments : le sentiment des matins oubliés de notre enfance, lorsque tout peut arriver, parce que c'est nous, comme être humains créatifs, qui nous sommes réveillés, et non les futures machines-hommes productives du subordonné, du stagiaire, du travailleur aliéné, du propriétaire privé, du père de famille. C'est le sentiment de se confronter aux ennemis de la liberté - de ne plus les craindre.

Ainsi, celui qui veut continuer à penser à ses propres affaires, comme si rien ne se passait, comme si rien ne s'était jamais passé, a de sérieuses raisons de s'inquiéter. Le spectre de la liberté vient toujours le couteau entre les dents, avec l'envie violente de rompre toutes les chaînes qui réduisent sa vie à une misérable répétition, permettant aux rapports sociaux dominants de se reproduire. Depuis samedi 6 décembre, aucune ville dans ce pays ne fonctionne normalement : pas de thérapie par l'achat, pas de routes dégagées pour rejoindre nos lieux de travail, pas de nouvelles des prochaines initiatives du gouvernement pour le rétablissement, pas de va-et-vient insouciant entre des émissions de télé sur la façon de vivre, pas de conduites nocturnes autour de Syntagma, et ainsi de suite. Ces nuits et ces jours n'appartiennent pas aux boutiquiers, aux commentateurs télé, aux ministres et aux flics. Ces nuits et ces jours appartiennent à Alexis !

En tant que surréalistes, nous sommes sortis dans les rues dès le premier moment, ensemble, avec des milliers de rebelles et d'autres gens exprimant leur solidarité, parce que le surréalisme est né du souffle de la rue et n'a pas l'intention de le lâcher. Après cette résistance massive aux assassins d'État, le souffle de la rue est encore plus chaud, encore plus accueillant et encore plus créatif. Proposer une direction à ce mouvement ne nous correspond pas. Toutefois, nous assumons toute la responsabilité de la lutte commune, parce que c'est une lutte pour la liberté. Sans être obligés d'approuver chaque expression d'un mouvement aussi massif, sans être partisans de la colère aveugle ou de la violence pour elle-même, nous considérons que l'existence de ce phénomène est juste.

Ne laissons pas ce souffle flamboyant de poésie s'éteindre ou mourir !
Convertissons le en une certaine utopie : la transformation du monde et de la vie !
Pas de paix avec les flics et leurs patrons !
Tout le monde dans la rue !
Qui ne peut comprendre la rage se taise !

Groupe surréaliste d'Athènes, décembre 2008





Band of holy joy - Fishwives


(petite actualisation avec des tofs gracieusement filées -c'est bien une banque qui crame sur la deuxième-, le texte des surréalistes athénien-ne-s chopés sur le blog du Serge Q. -see da com's for da references-, et la zique qui fera toujours danser les camardes athénien-ne-s, so do I...)

lundi, décembre 15, 2008

Fureur et Mystère

ΜΠΑΤΣΟΙ
ΓΟΥPΟΥΝΙΑ
ΔΟΛΟΦΟΝΟΙ

De retour de quelques jours à Athènes.

Le texte s'écrit, aussi fièvreusement et décidé que cette ville.

FLICS
COCHONS
ASSASSINS

jeudi, décembre 04, 2008

on leur dira...




Allain Leprest - On leur dira


On leur dira sur le fil du silence et de la dernière boutanche.

Sur un poumon, après le cancer et le prochain dernier verre, sur les ruines du grand Jacques, on leur dira à tou-te-s, à ceux-elles déjà venu-e-s te voir et ceux-elles pas encore, au Séb, au Dadu, à la Véro et au Dju, à peine besoin de murmurer aux autres.

On leur dira les arcs-en-cieux, les carnavaux, et la plus belle chanson du monde, on leur dira, celle qui semble venir des Marquises, les chants désespérés sont les chants les plus beaux, on leur dira.

On leur dira que tout se tient, sur deux notes de piano, une rime facile, ta voix d’outre qui tombe, on leur dira que le silence, le prochain dernier verre pour la route, que des mots savent encore éblouir le monde, des mots de pluie et de novembre, des mots qu’on lèche comme confiture sur les doigts, que le grand Jacques dort aux Marquises, que les feuilles mortes se ramassent à la pelle et que nous chanterons le temps des cerises.

On leur dira, doucement, les nuits où nous ne fûmes que trois, toi, la boutanche et moi, le concert où il pleut sur la mer et où Bilou boit dans des verres en pyrex, la bouteille se vide, le chat dort près du radiateur et s’en fout, le verre se remplit, le dernier pour la route.

On leur dira toute la tendresse du monde, toutes les aurores de Delphes et les aubes de Nanterre, toutes les boutanches enfin finies et celles qui restent à vider, toutes celles qui restent à aimer.